La Rédaction
Pouvez-vous présenter à nos lecteurs la génèse de cet ouvrage?
Laure BEYALA
Je suis Ingénieure biomédicale diplômée de l'ESIGELEC. Ensuite, j'ai effectué une thèse professionnelle à Centrale Paris en 2015, après avoir travaillé dans de nombreux laboratoires et industries biotechnologiques.
La Rédaction
Et votre trajectoire professionnelle ?
Laure BEYALA
J'ai été consultante dans plusieurs laboratoires et, aujourd'hui, je suis chargée de recherches cliniques dans le domaine de la santé connectée à l'hôpital Bichat de Paris.
La Rédaction
Est-on en train d'assister à un big bang de la médecine avec des objets connectés issu de l'univers du bien-être qui colonisent la sphère de la santé ?
Laure BEYALA
Oui, en effet, car cela ne va faire que s'accentuer dans les prochaines années. Souvenez-vous avec quelle ampleur les smartphones ont rapidement rendu obsolètes les appareils photo-numériques ainsi que les systèmes de GPS. C'est de la même façon que l'industrie de la santé numérique regorge aujourd'hui d'une pléthore d'objets connectés. Par exemple, les thermomètres et les tensiomètres connectés sont de plus en plus plébiscités par des professionnels de santé.
La Rédaction
Objets connectés et santé : le chainon manquant qui fait le pont entre le bit et le bio?
Laure BEYALA
Oui, c'est exactement cela, Il y a quelques années, on n'aurait pas imaginé que les objets connectés bouleverseraient autant le parcours de soins, de vie et de santé. Les personnes les plus vulnérables dans cette transformation digitale de notre système de santé seront, à mon avis, les personnes âgées du fait de leur difficulté à maitriser les nouvelles technologies de l'information et de la communication.
La Rédaction
La technologie s'approche, voir même fait irruption dans notre corps et notre intimité. Quels sont les classes de risques que vous avez identifié ?
Laure BEYALA
J'ai identifié trois classes de risques :
Dans cette dernière catégorie, on retrouve tous les risques liés à l'intégrité des données, à la sécurité et la confidentialité des données sensibles, ces risques sont communément appelés « risques émergents » liés à l'usage des objets connectés.
La Rédaction
Les risques sont-ils du même ordre selon qu'il s'agit d'objets connectés achetés par un particulier ou préconisés par une institution ou un professionnel de santé ?
Laure BEYALA
Les risques ne sont pas du même ordre, car les capteurs intelligents qui collectent des données catégorie « wellness » ou « fitness », pouvant être achetés par un particulier, possèdent des normes encore plus simplifiées que des objets connectés préconisés par un professionnel de santé. Ces objets connectés de santé collectent le plus souvent des données génétiques voire mêmes biométriques dont le traitement nécessite une protection efficace.
Le cadre juridique applicable à la protection des données sensibles a été fixé, en France, par la loi « Informatique et Libertés » du 6 janvier 1978, réformée en 2004.
En Europe, le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données).Son article 99 prévoit une application à partir du 25 mai 2018.
Ce règlement a pour but de redonner aux citoyens le contrôle des données qui les concernent, que celles-ci soient collectées et utilisées par les acteurs économiques privés ou par les services de l'administration.
La Rédaction
Avez-vous "consulté" des professionnels lors de votre étude ?
Laure BEYALA
Ce livre découle de mes travaux de thèse professionnelle réalisés à Centrale Paris sur les objets connectés en santé. J'ai eu à collaborer avec une équipe pluridisciplinaires composée de pharmaciens, d'ingénieurs et de médecins comme le Dr Benjamin Pitrat, qui a d'ailleurs signé la préface de mon livre. Enfin, ils ont tous été remerciés dans mon ouvrage.
La Rédaction
Les objets grands publics n'ont pas subi toutes les phases d'agréments que les objets développés dans la sphère professionnelle doivent passer. Si l'on compare les objets grand public et les objets que l'on trouve en milieu hospitalier, difficile de voir la différence ... si ce n'est le prix. Qu'en est-il des risques ?
Laure BEYALA
La différence se trouve au niveau de leur impact.
Les risques ne sont pas les mêmes lorsqu'il s'agit des objets que l'on trouve dans la sphère médicale. Car les dispositifs médicaux connectés ont un profil de sécurité très différent des objets connectés grand public. Très souvent, dans le domaine de la santé, les cyberattaques augmentent en ingéniosité, dans ce cas les conséquences peuvent être financières, environnementaux, déontologiques, éthiques, juridiques et réputationnelles. Je pense notamment, à des retraits des dispositifs médicaux connectés sur le marché, à des erreurs de diagnostics et de pronostics à cause de l'introduction d'un ou plusieurs fichiers malicieux dans un serveur de données médicales ; ou encore à des préjudices potentiels comme les divulgations de données des patients, du marketing manipulateur et influenceur, voire même au profilage social discriminatoire...
La Rédaction
A t-on déjà des cas de patients dont les dispositifs de santé connectés ont été "hackés". Pouvez-vous donner des exemples ?
Laure BEYALA
Aujourd'hui, il existe plusieurs cas de pertes de données médicales ou de compromission des périphériques de stockage des données sensibles. Mais, pour le moment, nous n'avons pas encore des cas de patients dont les objets connectés de santé ont été hackés.
La Rédaction
Quels conseils donneriez-vous aux professionnels ?
Laure BEYALA
Les conseils que je donnerais aux professionnels de santé particulièrement, voire même à tout type d'utilisateur d'un objet connecté seraient de créer une culture de sensibilisation à la sécurité et à la protection des données à caractère personnel. En mettant en place des sauvegardes significatives et efficaces des données collectées, cela nous permettra de réaliser des progrès significatifs vers la cybersécurité. Par ailleurs, il est vrai que l'industrie de la santé connectée est une industrie naissante mais, le conseil que j'adresserais aux promoteurs des ces solutions technologiques est de repenser le design et l'autonomie de ces capteurs intelligents, encore difficile à utiliser pour les personnes âgées.
La Rédaction
L'homo-connecticus® est-il plus vulnérable que l'homo-erectus?
Laure BEYALA
Entre cyber-piratage, cyber-extorsions (induisant une demande de rançon), cyber-pertes de revenus (pour les activités de e-commerce), et les atteintes à la vie privée, je pense qu'en effet, l'homo-connecticus® est plus vulnérable que l'homo erectus en raison du volume de données, considérable qu'il peut collecter et transmettre via des terminaux mobiles. Cette collecte de données l'expose à des attaques protéiformes. C'est d'ailleurs pour cela que, les organismes d'intérêts vitaux de nos Etats, liés aux transports, au nucléaire, à la santé ou à l'électricité, sont tenus de rendre des comptes sur leur cyber-sécurité.
La Rédaction
Une lueur d'optimisme pour demain ?
Laure BEYALA
Oui, la digitalisation du système de soins constitue un changement de paradigme assez important qui va permettra de rendre le système de soins actuel plus efficient et plus efficace. On peut penser notamment, que les patients bénéficieront d'un égal accès aux soins. L'usage des objets connectés en santé va aussi faciliter une surveillance continue des patients en temps réel. Ils sont d'ailleurs une solution pour les déserts médicaux...Les données collectées via ces capteurs intelligents aideront les médecins à poser rapidement des diagnostics et des pronostics, à réagir plus rapidement dans les situations d'urgence et améliorer globalement les soins des patients à domicile.
Les derniers objets connectés dans le domaine de la santé - actualité du secteur. Les objets connectés font leur entrée dans le monde de la santé en proposant de nombreuses solutions de contrôles des paramètres physiologiques en temps réel, les données étant stockées dans le cloud et exploitées depuis votre smartphone.